Action #6
Prêt

Utiliser les lois existantes (Loi 25, RGPD)

Utiliser pleinement les cadres juridiques actuels pour exiger le consentement explicite

Difficulté:Facile
Catégorie:legal
Impact:national

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Lettre ouverte

IA et données personnelles : le Québec face au pillage algorithmique


L'intelligence artificielle transforme notre monde à une vitesse vertigineuse, mais dans l'ombre de cette révolution se cache une réalité méconnue : l'entraînement d'un modèle d'IA est un acte techniquement irréversible. Une fois nos données intégrées aux poids mathématiques de ces systèmes, il devient impossible d'en effacer précisément la trace. Lorsque ces modèles sont ensuite distribués en code source ouvert, chaque copie se multiplie à travers le monde, rendant toute violation initiale permanente et globale.


D'ici à un mois, Meta commencera à ingérer les publications européennes pour entraîner son intelligence artificielle. En Australie, c'est déjà chose faite, sans possibilité d'opposition réelle : photos de famille, visages d'enfants, créations artistiques, tout devient carburant algorithmique. Pourquoi penser que le Québec serait épargné? Rien n'indique que Meta ou d'autres géants technologiques aient respecté leur obligation légale d'obtenir un consentement explicite des Québécois pour cette utilisation radicalement nouvelle de leurs données personnelles.


Or, au Québec, la Loi 25 est particulièrement claire et rigoureuse : tout usage commercial nouveau de renseignements personnels exige un consentement manifeste, libre et éclairé. L'entraînement d'une IA commerciale ne faisait certainement pas partie des intentions initiales des utilisateurs de plateformes comme Facebook, Instagram, ou YouTube. Toute collecte sans consentement constituerait donc une violation majeure de notre législation. Les sanctions potentielles sont considérables : jusqu'à 4% du chiffre d'affaires mondial pour les infractions graves pour les entreprises (plus de 7 milliards de dollars canadiens pour Meta seule) et jusqu'à 100 000 dollars d'amende personnelle pour les dirigeants, assortie d'un casier judiciaire au Québec.


Au-delà de la protection des données personnelles, le droit d'auteur canadien protège également chaque œuvre diffusée sur ces plateformes, avec des indemnisations pouvant atteindre 20 000 dollars par infraction. Considérant les millions d'œuvres québécoises concernées, l'ampleur du préjudice potentiel est stupéfiante.


Plus alarmant encore : plusieurs de ces entreprises ont déjà reconnu utiliser massivement des données de réseaux sociaux. Meta exploite ouvertement les contenus de Facebook et Instagram pour ses modèles LLaMA. Google a modifié sa politique pour pouvoir utiliser toutes les données publiques du web, incluant YouTube. OpenAI a conclu un partenariat avec Reddit après avoir exploité ses données pendant des années. xAI de Elon Musk puise directement dans X/Twitter. Anthropic, bien que plus discret, invoque le « fair use » pour justifier l'utilisation de contenus protégés.


Cet argument du « fair use », brandi par certaines entreprises comme bouclier juridique, s'effondre toutefois face à notre cadre légal. La Loi 25 ne s'intéresse pas à la transformation des données, mais à l'existence d'un consentement explicite pour leur utilisation. Sur ce point fondamental, la loi est limpide : sans consentement, l'infraction est caractérisée, peu importe que les données soient « transformées » plutôt que « copiées ».


J'appelle donc la Commission d'accès à l'information du Québec à exiger sans délai la publication des Évaluations des facteurs relatifs à la vie privée (EFVP) de ces entreprises pour leurs projets d'IA concernant des données québécoises. Je demande que toute collecte soit suspendue jusqu'à l'obtention du consentement explicite requis par la loi. J'invite le ministre Gilles Bélanger, responsable de la Cybersécurité et du Numérique, et le ministre Mathieu Lacombe, responsable de la Culture et des Communications, à unir leurs efforts pour protéger notre patrimoine numérique et culturel.


Je sollicite également tous les partis politiques afin qu'ils déposent une motion unanime pour défendre les droits fondamentaux des Québécois face à cette extraction massive de données personnelles et culturelles. Les géants technologiques, qui accumulent des fortunes colossales grâce à cette exploitation sans frein, doivent comprendre que personne n'est au-dessus des lois québécoises.


La situation est d'autant plus préoccupante que chaque modèle d'IA entraîné pourrait constituer une infraction distincte. Avec Meta, Google, OpenAI et autres qui déploient de nouvelles versions de leurs modèles tous les quelques mois, le préjudice et les pénalités potentielles se multiplient à un rythme vertigineux – possiblement plus d'une centaine de milliards de dollars.


Agir, oui, mais agir maintenant. Chaque jour perdu nous rapproche d'un point de non-retour. Si la CAI manque de ressources ou hésite à affronter seule ces géants, alors créons une coalition de citoyens, d'artistes, de juristes et d'experts pour l'appuyer. Collectivement, le Québec s'est doté d'une loi robuste et d'institutions capables de la faire respecter. Il est temps de démontrer que notre souveraineté numérique n'est pas qu'un concept abstrait.


Ces propos sont formulés de bonne foi dans le cadre d'un débat public essentiel pour la protection des droits fondamentaux des citoyens québécois et pour la préservation de notre patrimoine culturel à l'ère numérique.


Philippe Bourque, Bs. ING

Artiste, entrepreneur et scientifique

Saint-François-de-l'île-d'Orléans

6 mai 2025

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